Ralph Elawani's profile

MBAM: programmation cinéma Yousuf Karsh | 2021

Programmation

Soirée 1: « L’avant-garde : cinéma, danse, architecture et sculpture »
Mercredi 3 novembre 2021, à 19 h
Appalachian Spring, É.-U., réal. Peter Glushanov, 1958, 32 min, muet
8 x 8: A Chess Sonata in 8 Movements, É.-U., réal. Hans Richter, Jean Cocteau et Marcel Duchamp, 1957, 80 min, muet

« Théâtre »
Mercredi 17 novembre 2021, à 19 h
The Night of the Iguana, É.-U., réal. John Huston, 1964, 117 min, VOSTF

« Une carte postale du contre-champ »
Mercredi 1er décembre 2021, à 19 h
Mamma Roma, Italie, réal. Pier Paolo Pasolini, 1962, VOSTA

« De l’Arménie au Canada »
Mercredi 15 décembre 2021, à 19 h
Ravished Armenia, É.-U., réal. Oscar Apfel, 1919 (édition 2009), 24 min, VOSTA
The Ballad of Crowfoot, Canada, réal. Willie Dunn, 1968, 10 min, muet
Le vingtième siècle, Canada, réal. Matthew Rankin, 2019, 90 min, VOSTF


E N T R E T I E N

Le MBAM a donné carte blanche à Ralph Elawani, écrivain, journaliste et directeur littéraire, pour élaborer une programmation de films dans le cadre de l’exposition L’univers de Yousuf Karsh : l’essence du sujet. Ceux-ci seront présentés au Musée entre le 3 novembre et le 15 décembre 2021.

Les quatre rendez-vous cinématographiques proposés mettront en lumière des personnalités immortalisées par Yousuf Karsh (1908-2002), photographe arméno-canadien reconnu comme l’un des plus grands portraitistes du XXe siècle. Ralph Elawani nous fait ici part de ses réflexions sur la genèse de cette programmation et sur la démarche qui a orienté son choix de films.

Pourquoi avez-vous accepté de vous lancer dans ce projet de commissariat de films?

La question me semble plus parlante posée à l’envers : « Pourquoi auriez-vous pu refuser de vous y lancer? » Ce à quoi je pourrais répondre par une absence de résonnance avec l’œuvre. Je ne partage pas l’attrait qu’avait Karsh pour les puissants de ce monde. Or, son œuvre ratisse si large et son legs est si colossal qu’il m’a semblé que quelque chose pouvait facilement s’en dégager, qu’une « résonnance » était possible. On bascule donc dans ce qu’il y a de plus important lors d’un projet de la sorte : la confiance. J’ai accepté parce qu’on m’a donné carte blanche et que les limites étaient surtout liées à des contraintes techniques ou temporelles.

Parlez-nous du travail de recherche que vous avez dû effectuer pour parvenir à la sélection finale.

J’avais imaginé, dans un premier temps, une programmation centrée sur Karsh : son histoire personnelle, sa méthode, ses idéaux, sa vie, ses fréquentations, les thèmes qui se détachent de ses choix esthétiques et de ses portraits, sa relation à la célébrité et aux notables, son lien à l’Arménie, sa vision du Canada et des politiciens, son côté un brin conservateur – pratiquement l’antithèse de l’avant-garde, à quelques exceptions près (par exemple, le portrait de Gratien Gélinas ou encore la renversante photo intitulée Élixir, sur laquelle on voit le reflet de Solange Gauthier dansant nue). Cela dit, plutôt que de « régler des comptes » (au sens figuré) avec l’homme, j’ai décidé de laisser travailler ses sujets, surtout ceux chez qui il a su dégager une singularité particulière, à mes yeux.

D’entrée de jeu, j’ai fouillé les catalogues de l’artiste, j’ai visionné le documentaire de Joseph Hillel (Karsh is History, 2009) et j’ai lu son autobiographie de 1962, In Search of Greatness (un titre que l’on n’ose plus imaginer aujourd’hui). À partir de la sélection de photographies que le Musée allait présenter, je me suis intéressé à quelque 50 personnalités qui avaient un rapport certain avec le cinéma. J’ai compilé une sélection initiale d’environ 60 titres : courts métrages, longs métrages, documentaires, fictions, essais cinématographiques, concerts.

J’ai tenté de regrouper, lorsque c’était possible, plusieurs sujets ayant été immortalisés par le photographe (en proposant notamment une collaboration entre le sculpteur et designer Isamu Noguchi et la danseuse Martha Graham). J’ai aussi tenté de choisir des œuvres qui les plaçaient dans des rôles qui détonnaient de leur image habituelle, mais que Karsh avait semblé saisir par le « chignon de l’âme », si je peux m’exprimer ainsi (Anna Magnani, par exemple, chez Pier Paolo Pasolini). Ces choix m’ont ramené à l’essentiel : l’art. Les soirées que je propose sont une traversée d’œuvres où se croisent le cinéma d’avant-garde, la sculpture, l’animation, la danse, l’architecture, la littérature et le théâtre.


En quoi les films sélectionnés peuvent-ils enrichir l’expérience des visiteurs de l’exposition et mettre en lumière les personnalités et thèmes qui y sont liés?

Les films sélectionnés sont, à mon sens, des œuvres qui pétrissent l’expérience humaine. Les personnalités s’y retrouvent dans des rôles parfois contraires à l’espèce de candeur protocolaire que suggère la pratique du portrait. Mais, d’une certaine manière, je crois rejoindre le photographe en optant pour des films qui subitement m’ont occasionné un « choc » émotionnel, dans une dynamique de rencontre impromptue. Mackenzie King, à travers l’uchronie (l’exofiction?) de Matthew Rankin, est un cas de figure assez burlesque. Le choix de présenter Ravished Armenia d’Oscar Apfel, un film (ou plutôt des fragments retrouvés d’un film perdu) très dur sur le génocide arménien, et The Ballad of Crowfoot de Willie Dunn – dont la discographie commence enfin à être redécouverte – me semblait également aller de soi, considérant le parcours de Karsh.

Pourrait-on affirmer que cette sélection est le reflet de vos champs d’intérêt, de vos styles de prédilection en matière de cinéma?

C’est le reflet d’une tentative d’entrer en résonnance avec une sélection d’œuvres par le biais d’une autre sélection d’œuvres. Et comme mes champs d’intérêt traversent les styles, les styles présentés sont assez variés. J’aurais beaucoup aimé intégrer le travail de plus de cinéastes, comme Masahiro Shinoda (qui a adapté un roman de l’écrivain nobélisé Yasunari Kawabata, photographié par Karsh), ou présenter une adaptation d’une nouvelle d’Ernest Hemingway, un concert de Marian Anderson, Le temps des bouffons de Pierre Falardeau, un rôle de Gratien Gélinas chez Gilles Carle, ou encore Le monde du silence, coréalisé par Louis Malle et Jacques-Yves Cousteau. Mais comme disait l’autre, « l’régueulement, c’est l’régueulement ». Quatre soirs. Pas plus.

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